Cheikh El HASNAOUI

Mohamed BENAMAR ELHASNAOUI, connu sous le nom de Cheikh El HASNAOUICheikh El HASNAOUI

Poète kabyle, né le 23 juillet 1910 à Taâzib, un village du âarch Ihasnaouen (Hasnaoua), sur les piémonts fertiles du sud de la ville de Tizi Ouzou.
Mohamed Benamar El Hasnaoui tient son nom du petit village de Hasnaoua.
El Hasnaoui quitte sa terre natale très tôt, à lâge de 14 ans, deux ans après avoir perdu sa mère. Son père convole en secondes noces.
La pauvreté chassa ses parents de leur village; ils vinrent s´installer dans la Casbah d´Alger (rue Mogador) où il grandit, et son penchant pour la musique se révéla très tôt; il ne ratait pas une fête, allait vite se mettre tout près de l´estrade réservé à l´orchestre pour mieux jouir de la musique.
Les chansons entraient dans sa mémoire sans difficulté ni effort, il fabriquera lui-même sa première derbouka et perfectionnera très vite sa frappe à tel point que, très jeune, il sera appelé à accompagner des orchestres professionnels toujours en panne de batteurs; l´absentéisme de ces prolétaires de la musique, les moins payés de l´orchestre, s´explique aisément.
Il perd un de ses frères, tué au maquis pendant la révolution alors qu´un autre a fini par s´exiler. Ses amis d´enfance sont tous morts.
Il est obligé de s´expatrier en France (en 1937) avec la grande vague des émigrés des années 30, vu le manque de travail en Algérie. Simple ouvrier d´usine pour un temps, il réunira un petit orchestre où il sera le seul algérien, les autres musiciens étant soit des Arméniens, soit des Turcs, émigrés eux aussi.
Il se mettra très vite à la guitare et apprendra à en jouer à perfection.
Son répertoire était composé principalement d´œuvres Chaâbi apprises auprès des maîtres tels que Mrizek, El Hadj Mnouar, et même El Hadj El Anka, qu´il fréquenta pendant quelques années.
L´un des thèmes fondateurs de l´œuvre d´El Hasnaoui est sans aucun doute l´épreuve d´exil avec toutes ses implications et toutes ses retombées néfastes : éloignement de ceux qu´on aime, déchirement des familles, nostalgie, douleur de la séparation,...etc.
Le samedi soir et le dimanche après-midi, dans des cafés déterminés, il organisait des séances musicales pour la plus grande joie de ses compatriotes exilés. Ils lui exprimaient leur reconnaissance par des dons généreux qui lui permettaient de vivre à son aise.
Jusqu´à la guerre de 1939/1945 sa vie s´écoula paisiblement, dans son petit appartement, dans le cinquième arrondissement de Paris où il soignait sa volière d´oiseaux. Il fit la connaissance de Mohamed El Kamal qui l´encouragea à se lancer dans la composition des chansons kabyles, et de Mohamed Iguerbouchen qui le dirigea vers la modernisation de ses compositions par l´utilisation de rythmes en vogue à l´époque et l´emploi des instruments modernes, ces deux personnes sont très introduites à la radio de l´occupation Allemande "Paris Mondial".
C´est en 1949 que Cheikh El Hasnaoui fera sa percée auprès du public en enregistrant ses premiers disques.
L´exil est vécu alors comme un drame par de nombreux algériens contraints par des conditions de vie difficiles à quitter massivement les villages et aller de l´autre côté de la Méditerranée à la recherche du travail inexistant au pays. Parmi ceux qui partent, on citera entre autres : Slimane Azem, Dahmane El Harrachi et Allaoua Zerrouki qui, dans une de ses chansons consacrées à ce thème résume ce type d´exil : "Di l´posta yemha yismis" (Au niveau de la poste, il n´y a nulle trace de son nom).
La vie artistique d´El Hasnaoui est marquée par la douleur de la séparation, d´abord avec sa bien-aimée, qu´il a merveilleusement illustrée à travers les chansons Azahia et Afadhma, et ensuite avec son village natal et son pays qu´il n´a plus revus depuis son départ à cause, dit-on, d´un déchirement amoureux.
Le chanteur avait interprété, aussi bien en kabyle qu´en arabe dialectal, des chansons enjolivantes de par sa voix rauque, chaude, aux sons plaintifs qui accrochent les mélomanes les plus avertis sur l´exil qui l´a tant marqué et qu´il a immortalisé avec les chansons El Ghorva tawaâr, Maison Blanche, Ya Nedjoum El Llil, sur les déchirements amoureux avec des chansons dans lesquelles il implorait désespérément sa dulcinée de revenir mais aussi de partir avec elle quand elle veut partir. Asmi nala Dhigourdhan, Fadhma, Sani sani atsrouhadh awiyi adhedough et tant d´autres chansons sont des hymnes éternels à l´amour et à la femme à qui il a longtemps rendu hommage pour son courage.
L´artiste lui-même exilé, n´a jamais accepté son statut, la séparation, thème majeur et récurrent de son œuvre, l´a toujours hanté. Il le dit très bien dans la chanson : "Ma d medden akw usan-d", (Tous sont revenus sauf lui, l´exilé lointain).
El Hasnaoui a été en fin de compte hanté par l´exil et la douleur de la séparation qui sont devenus son drame. Il souhaite, il désire même rentrer mais il ne décidera jamais cela.
Le drame est là, il a même imaginé son retour au pays dans une chanson que beaucoup considèrent comme la dernière, intitulée "M´rehba, m´rehba" (Bienvenue à lui), mais ne l´a jamais fait.
Cheikh El Hasnaoui n´a pas été changé par le succès, il est resté fidèle aux cafetiers de ses débuts, qu´il visitait régulièrement jusqu´au jour où il a décidé de prendre sa retraite : l´âge est là et un rhumtisme déformant l´empêche dorénavant de s´exprimer par sa guitare, il a arrêté de chanter mais son répertoire continue à être écouté avec beaucoup d´appréciation et d´intérêt.
Il a donc quitté son pavillon petit d´Anthony dans la banlieue parisienne, où il s´occupait de ses fleurs autant que de ses oiseaux chanteurs, pour y aller couler des jours paisibles dans une petite maison, sur la côte d´Azur (France), toujours partagé entre ses deux amours : les fleurs et les oiseaux.
le maestro a pu marquer plusieurs générations. En effet, plusieurs de ses chansons ont été reprises par des chanteurs de notre génération, notamment le regretté Kamal Messaoudi, où Koceila et surtout Madjid Aït Rahmoun dit Cheikh El Hasnaoui Amechtuh dont les intonations de voix ressemblent à celles de son maître qui reste tout de même inimitable.
El Hasnaoui n´a pas eu d´enfants, la triste nouvelle de son décès est annoncée sur BRTV (la radio télévision berbère qui est captée dans tous les foyers de Kabylie), le monde de la musique est en deuil.
L´un des derniers des géants de la chanson chaâbie d´expression kabyle et arabe, s´est éteint, le samedi 06 juillet 2002, à l´âge de 92 ans, à l´île de la Réunion où il s´était retiré il y a trois ans.
Il est enterré à l´île de la Réunion. Tout comme l´autre vedette de la chanson kabyle, Slimane Azem, El Hasnaoui vécut et mourut loin des siens.
Si Slimane Azem avait souhaité revoir son pays natal avant de mourir, El Hasnaoui avait définitivement coupé les ponts. Khaloui Lounès le rencontre à Nice en 1979. Ce chanteur kabyle, écorché vif, tenait absolument à croiser la route du maître. Pendant une demi-journée, El Hasnaoui raconte ses états d'âme. À la question que tout le monde se pose, il répond d'une façon catégorique. Le retour au bled est exclu. "Pourquoi va-t-il revenir au pays ? Il n´y possède aucune attache, raconte-t-il à son hôte. Ni enfants, ni famille, ni maison, ni terre.
Pourtant, une fois, El Hasnaoui aurait pu fouler le sol de cette Maison Blanche qu'il a chantée dans sa jeunesse. À la mort de Kadour Cherchalli, son fidèle joueur de banjo, il aurait pu revenir, visiter l´Algérie et peut-être revoir la Kabylie". "J´avais eu cette occasion, dit-il à Khaloui, mais on m´a annoncé sa mort quelques jours plus tard. Trop tard". Le hasard de l´histoire a retardé à jamais cet hypothétique retour.
Même si El Hasnaoui n´est plus de ce monde, ses chansons ne mourront jamais.
Repose en paix Cheikh.

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