Slimane AZEM
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Poète et chanteur kabyle, né le 19 septembre 1918 à Agwni Ggeghran, comme tous les chanteurs kabyles s´initiera à la guitare seul.
Il est véritablement un symbole à la fois de l´exil au sens politique et de l´exilé au sens de l´émigré.
Slimane Azem arrive en France dès 1937 et entame une immersion précoce dans les tourments de l´exil.
Il fut une véritable légende de son vivant, il fut aussi un des premiers chanteurs à être écouté en famille.
La première chanson composée dans les années 50, "A muh a muh", qu´attends-tu pour venir rentrer (au pays), fut non seulement un succès, mais surtout un repère essentiel pour le restant de sa carrière artistique faite d´exil, de séparation, de déracinement, de solitude, de douleurs et d´injustices, elle servira de prélude à un répertoire riche et varié qui présente des ressemblances frappantes avec celui de Si Mohand ou M´Hand, grand poète kabyle du XIXème siècle. Dans un contexte socio-historique différent, Dda Slimane a, en effet, représenté pour le XXème siècle ce que Si Mohand ou M´Hand fut pour le siècle dernier.
Son penchant vers la dérision va jusqu´à produire des sketchs avec chansons (plus de 400 chansons et sketches) en compagnie de Cheikh Noureddine qui fut pratiquement à l´origine de l´ouverture de la chaîne kabyle dans les années 1940.
Connu comme premier artiste de la chanson engagé depuis 1940 et pendant les années de la braise de la révolution algérienne.
Certains responsables de la culture ont poussé le zèle et leur extravagance jusqu´à l´interdire d´antenne en 1967 et de carrément l´expulser de son propre pays sans raison apparente, il fut la première victime d´exil après l´indépendance.
Mais cet acharnement et cette censure n´affectent en rien la popularité du chanteur et n´ont pu avoir raison de sa détermination. C´est à partir de là qu´il enclenche la deuxième vitesse pour, non pas constater, mais dénoncer vigoureusement et inlassablement cet état de faits, l´ostracisme dont il fut l´objet, les injustices qui frappent le citoyen et surtout les déviations dangereuses qu´entreprend le régime totalitaire en place pour museler la société.
l´artiste nous a légué une œuvre musicale riche d´environ 130 chansons.
En 1970 il obtient un disque d´or qui lui a été attribué par la firme Pathé Marconi, son producteur. La même année il reçoit de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) une médaille de membre perpétuel de l´honorable institution.
Son dernier récital public fut donné en janvier 1982 à la salle mythique "l´Olympia".
Miné par une grave maladie, après ce récital il rentre en catastrophe dans sa maison de Moissac (Tarn et Garonne) où son épouse Malika l´attendait pour prendre soin de lui.
A l´hôpital, il avait sa serviette qui comportait des documents de travail ainsi que quelques livres qu´il consultait : "Histoire de ma vie" de Fadhma Aït Mansour Amrouche et "Les fables de La Fontaine".
Il était content de les recevoir et de pouvoir leur parler. Il se sentait moins seul. Sa famille, ses frères et leurs familles respectives, venaient le voir souvent.
Le destin mêlé à des considérations politiciennes et à l´ingratitude d´un pays pour lequel il a tant donné, mais aussi celle des hommes font que hélas.
Après une carrière artistique de 37 ans (1945 à 1982) passée en France et en Algérie, Dda Slimane s´en est allé en s´éteignant doucement dans sa maison de Moissac, loin de son pays qu´il a tant chanté, le 28 janvier 1983.
La nouvelle de sa mort fut répandue auprès de la communauté kabyle d´abord par "le bouche à oreille", puis par les radios associatives : Radio Beur et Radio Tamazight. La télévision française (Antenne 2) avait annoncé sa mort dans l´un de ses journaux du soir. C´était l´un des membres du groupe de chanteuses Djurdjura qui avait informé cette télévision de la disparition du grand maître.
Entre-temps, nombre de ses amis et compatriotes ont vainement de le faire revenir au pays natal
Slimane Azem repose aujourd´hui dans un cimetière de la région toulousaine en France, mais son souhait, selon sa nièce Malika Malo qui me le confia lors d´une conférence portant sur la question berbère animée à Cahors, est d´être enterré, sinon rapatrié dans son pays et sa région natale Agwni Geghran.
Les pouvoirs successifs restent intransigeants à son égard. Dda Slimane, en bon patriote qu´il était, préfère rompre que plier. Aussi, dit-il dans une interview : "Je préfère être un Algérien à l´étranger qu´étranger dans mon propre pays".
Il vivra exilé de son pays et mourra en exilé et restera enterré à ce jour en France.
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